AFP, dimanche 30 décembre - 23h52

Assassinat d'un fonctionnaire tunisien porté disparu par son épouse

TUNIS, 30 déc (AFP) - Un fonctionnaire tunisien du ministère des Affaires étrangères, Ali Saïdi, a été assassiné et son corps a été retrouvé dissimulé dans le jardin d'une maison de Gafsa (340 km au sud-ouest de Tunis), annonce dimanche soir l'agence tunisienne TAP (officielle).
Dans un appel téléphonique à l'AFP à Paris le 28 décembre, son épouse, Mme Malika Saïdi, avait indiqué "n'avoir plus eu de nouvelles de son époux depuis près d'un mois". .

L'agence TAP, qui cite une source judiciaire, indique que selon "les premiers éléments de l'enquête, l'auteur du crime est Mlle Latifa Saïdi, une parente de la victime", sans toutefois préciser les liens de parenté.

"Elle a dissimulé le corps de M. Saïdi dans le jardin de sa maison de Gafsa, et, lors de l'interrogatoire, elle a reconnu avoir commis le meurtre en servant une substance fortement toxique à la victime, avant de l'enterrer avec l'aide d'un parent pour camoufler son crime", poursuit l'agence.

"Au cours des perquisitions effectuées sur les lieux du crime, les enquêteurs ont saisi une procuration falsifiée imputée à la victime et autorisant la dénommée Latifa Saïdi à disposer des biens de la victime", selon la TAP.

"La voiture de service appartenant à M. Ali Saïdi a été également trouvée sur les lieux du crime, dissimulée dans un garage. La prévenue a été arrêtée et mise à la disposition d'un juge d'instruction, tandis qu'un médecin légiste procédera à l'autopsie du corps", conclut l'agence.

Mme Malika Saïdi, d'origine algérienne et qui a la nationalité française, habitant Paris, avait déclaré que M. Saïdi, 53 ans, ancien militant des droits de l'Homme, longtemps réfugié en France avant de regagner Tunis, était "porté disparu depuis le 6 décembre, date de son dernier appel téléphonique".

Une source autorisée des Affaires étrangères à Tunis avait, pour sa part, indiqué le 28 décembre qu'une "procédure administrative avait été lancée, qui avait révélé que M. Saïdi avait émis un chèque portant sa signature sur son compte bancaire auprès de la Banque Nationale Agricole (BNA), en date du 24 (bien 24) décembre".

Par ailleurs, "un article signé de l'intéressé a été publié dans la dernière livraison de l'hebdomadaire tunisien l'Observateur le 26 décembre, or il avait été remis à la rédaction du journal trois jours auparavant".

M. Saïdi est "considéré, de ce fait, en absence irrégulière", avait conclu la source des Affaires étrangères.

 

 

Lecteur Assidu (NDLR 30/12/2015 : Nom de guerre de Taieb Moalla sur Forum CNLT, à l'époque)

 

Date: 08/01/02 14:58:59

 

Objet: la version de Tunis Hebdo du 7 janvier

 

 

 

 

 

Divers

GAFSA:
Découverte du cadavre d’un diplomate

La victime, directeur dans un des services du ministère des A.E., est rentré, récemment, de France, où il a rendu visite à sa femme, de nationalité française, et à ses enfants. Mais il ne donna aucun signe de vie, durant les trois semaines qui suivirent la fête de l’Aïd. Ce qui donna des soupçons à son frère, qui alerta les autorités compétentes pour entamer les recherches nécessaires et enquêter sur les raisons de sa disparition.

La brigade criminelle, munie de chiens chercheurs, qui se chargea de l’affaire, remonta, petit à petit, en revenant sur ses derniers contacts et son emploi du temps, à une visite qu’il effectua à Gafsa. Là, les enquêteurs se dirigèrent directement vers la maison de l’une de ses proches, où, le flair aidant, ils se rendirent compte que son jardin n’avait pas, dans un de ses coins, une apparence normale et l’odeur qui s’en dégageait confirma leurs soupçons. La découverte du corps de la victime, en plus de sa voiture garée sur place, poussa la propriétaire des lieux à avouer son crime et sa macabre besogne, accomplie avec la complicité d’un couple proche de la famille.

Les premiers éléments de l’enquête ont révélè que la victime a été empoisonnée puis enterrée par sa proche parente qui, apparemment déçue par une promesse de mariage non-tenue, décida de se venger. Il s’est avéré aussi que la meurtrière a pris soin de falsifier par la suite une procuration, qui lui donnait plein pouvoir pour la gestion de ses biens ainsi que pour l’utilisation de sa voiture de fonction trouvée dans la maison de cette dernière. L’enquête judiciaire ouverte à propos de ce crime odieux déterminera le rôle de chacun des trois protagonistes dans cette affaire, le couple et la meurtrière, dans la préparation et l’exécution du meurtre et ses différentes péripéties.


T.H

 

Le meurtre d'un fonctionnaire tunisien des AE serait politique, selon l'OMCT

AFP, LE 09.02.2002 à 18:52:00

GENEVE, 9 fév (AFP) - Le meurtre en Tunisie en décembre dernier d'un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, Ali Saïdi, serait de nature politique et non, crapuleuse, comme l'affirme l'enquête judiciaire tunisienne, estime l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans un communiqué publié samedi à Genève.

Ali Saïdi, né en 1948, chargé de mission au ministère tunisien des Affaires étrangères, et ancien militant des droits de l'homme, avait été porté disparu le 12 décembre 2001 par sa femme Malika Saïdi, et son cadavre avait été retrouvé le 30 décembre dans le jardin d'une maison de Gafsa (sud-ouest de la Tunisie).

Latifa et Hedia Saïdi, deux soeurs vivant à Gafsa, ainsi qu'un clerc de notaire nommé Khaled Taher, âgé de 19 ans, avaient été arrêtés et accusés d'assassinat ou de complicité d'assassinat.

Selon le quotidien tunisien Le Temps, Latifa Saïdi, qui était la cousine et maîtresse de la victime, s'était vengée de son amant qui s'était dérobé à une promesse de mariage.

Pour l'OMCT, qui déclare par ailleurs "ne pas vouloir tirer de conclusions hâtives dans cette affaire complexe", "il est à craindre que les accusés ne soient utilisés comme bouc-émissaires dans une affaire qui paraît bien être de nature politique".

L'Organisation précise que "selon des sources non gouvernementales, l'assassinat de Ali Saïdi serait un crime commandité par le pouvoir", indiquant que la victime "se serait senti menacée depuis plusieurs mois, et projetait de repartir en France pour sa sécurité".

Selon l'OMCT, les pressions sur certains membres de l'entourage d'Ali Saïdi se seraient faites plus fortes ces derniers jours, afin de les convaincre de ne pas chercher à faire la lumière sur ces événements.

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Non disponible en français

PRESS RELEASE
Attention : representatives of the press
Geneva, February 11th, 2002


Tunisia: Latifa and Hedia Saïdi in danger of being killed in connection with the
assassination of Ali Saïdi.

The World Organisation Against Torture (OMCT) wrote to the Government of
Tunisia over one week ago to request guarantees for the above mentioned
people. As we have not received a reply, we have decided to communicate
the following facts:

Ali Saïdi, a senior civil servant at the Ministry of Foreign Affairs in Tunisia and
former human rights activist, disappeared on December 12th, 2001 and his
body was officially found on December 30th, 2001.  Ms. Latifa and Ms. Hedia
Saïdi, two sisters living in Gafsa, who are not related to the victim, and a
notary clerk named Khaled Taher, were immediately arrested and accused of
murder or complicity to murder, because the authorities claimed to have
found the body buried in Latifa Saïdi's garden. According to the same source
of information, the motive behind the murder was of a fraudulent nature. It is,
however, feared that the accused are being used as scapegoats in a matter
that appears to be of a political nature.

Ali Saidi was a Tunisian citizen, born in 1948, who emigrated to France when
he was very young. He was involved in social activities in favour of Tunisian
immigrants and was a member of the Destourian party, which was the
forerunner of the party currently in power in Tunisia. In the early 1990s he
started to distance himself from his friends by his involvement in the struggle
for human rights and against torture. Shortly afterwards, he renewed his
contacts with the regime and returned to Tunisia in 1999.  In 2000 he was
appointed chargé de mission at the Ministry of Foreign Affairs and occupied
this position until his death in December 2001.

According to the Tunisian authorities, Latifa Saïdi had an intimate relationship
with the victim and, on December 12th, 2001, reportedly persuaded him to
come to her home in Gafsa, with the intention of making him sign a power of
attorney in her favour. Her sister, who knew the son of a notary named
Khaled Taher, allegedly asked him to come to Latifa's home for the signature
of the deed. The sisters reportedly explained to Mr. Taher that in view of the
fact that the signatory of the deed was a high-ranking official, it was not
possible for him to be seen. The young man then gave his register to one of
the women who went into the next room to get Ali Saïdi's signature. 
According to the same authorities, Latifa, helped by her sister Hedia, had
used Datura stramonium L, a poison of vegetable origin, to drug him in order
to more easily force him to sign the deed. The victim reportedly died as a
result of carbon dioxide fumes from a stove in the room in which he was lying
unconscious as a result of the poison.  A few days after Latifa Saïdi's arrest,
the authorities announced that she had serious health problems and was
terminally ill due to a brain tumour.

According to non-governmental sources, Ali Saïdi was assassinated on the
orders of the government. It appears that Mr. Saïdi had felt threatened for
several months and was planning to return to France in order to ensure his
safety. According to the same sources, Ms. Latifa and Ms. Hedia Saïdi were
the victims of a plot orchestrated by the State to conceal the real cause of
this assassination.  Finally, according to a number of witnesses, Latifa Saïdi
was in good health before her arrest and no one was aware that she had a
brain tumour.

Finally, according to these sources, there are good reasons to believe that
pressure has been put on certain people close to Ali Saïdi, in order to
persuade them not to try and clarify these events.


Without wishing to draw any hasty conclusions in this complex matter, the
World Organisations Against Torture (OMCT) would nevertheless like to insist
that


§    guarantees be provided in respect of the physical and psychological
integrity of all those involved in this matter, especially Latifa Saïdi, Hedia
Saïdi Khaled Taher;

§    that Latifa Saïdi be immediately transferred to a hospital, due to her
state of health, where she should be granted access to medical care;

§    that the Saïdi sisters and Khaled Taher be entitled to the advice of an
independent lawyer of their choice, of visits by their families and of a fair and
impartial trial before a competent civil tribunal guaranteeing their procedural
rights at all times;

§    that the family of the deceased be granted access to the complete
file, that they may join themselves to the case as a party, and benefit from
the same guarantees for their physical and psychological integrity as the
other protagonists in the case, and in particular, that they be protected from
all attempts of harassment and intimidation.

§    that the respect for human rights and fundamental liberties be
guaranteed in all circumstances, according to national laws and international
standards.

 

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Article - 19/02/2002

TUNISIE : MORT ETRANGE D'UN ANCIEN OPPOSANT

Un cadavre bien embarrassant :

La thèse officielle de l'assassinat crapuleux d'Ali Saïdi peine à convaincre. A Genève, le frère de la victime évoque la vengeance du régime de Ben Ali.

INFOSUD / FABRICE BOUL É,

Proche du régime, puis opposant en exil en France, Ali Saïdi était rentré en Tunisie en 1999. En 2000, il avait même été nommé aux Affaires étrangères pour entretenir des contacts avec les organisations non gouvernementales. Il disait vouloir changer les choses de l'intérieur. De toute évidence, il n'en a pas eu le temps.Dès le 12 décembre 2001, sa femme, à Paris, et son jeune frère, à Genève, n'ont plus reçu de nouvelles de sa part. Son ministère parle d'une mission puis d'une «absence irrégulière» de son poste à Tunis. Le 30 décembre, on annonce que son corps a été retrouvé à Gafsa. Quelques heures à peine après cette découverte, la thèse officielle sur sa mort est déjà ficelée: deux soeurs cupides, dont une aurait agi par dépit amoureux, l'ont assassiné avec la complicité naïve d'un jeune clerc de notaire. Le corps était enterré dans le jardin.

Affaire politique :

Dans un communiqué du 8 février dernier, l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), basée à Genève, a jeté le doute sur cette version d'un crime crapuleux: «Il semble que dans cette enquête la personnalité de la victime ne soit pas indifférente, et il est à craindre que les accusés ne soient utilisés comme boucs émissaires dans une affaire qui paraît bien être de nature politique.» L'OMCT précise avoir écrit au gouvernement tunisien - sans avoir obtenu de réponse. Elle affirme dans l'intitulé de son communiqué que les deux soeurs soupçonnées sont en «danger de mort». L'organisation genevoise insiste auprès des autorités tunisiennes pour qu'elles garantissent «l'intégrité physique et psychologique de toutes les personnes mêlées à cette affaire», qu'elles libèrent une des femmes «pour des raisons humanitaires» (les autorités ont diagnostiqué chez elle une tumeur cérébrale en phase terminale. Selon sa famille, elle était en parfaite santé avant les faits, n.d.l.r.) Il est également demandé que la famille d'Ali Saïdi puisse avoir accès à toutes les pièces du dossier, qu'elle puisse se porter partie civile, et qu'elle soit «préservée de toute tentative de harcèlement ou d'intimidation». C'est dire si la confiance dans la Justice et le Gouvernement tunisiens est grande, bien que l'OMCT prenne soin de préciser qu'elle ne tire pas de «conclusions hâtives dans cette affaire complexe».Crime crapuleux ou règlement de compte politique? Pour Khaled Ben M'Barek, coordinateur en France du Centre d'information et de documentation sur la torture en Tunisie, le doute n'existe pas. Sur la base de procès-verbaux d'interrogatoires de la police et de la justice, il a détaillé un nombre impressionnant de contradictions dans la thèse officielle. Trois membres de la famille d'Ali Saïdi vont porter plainte pour assassinat à Genève, Paris, et aux Etats-Unis, parallèlement à la procédure qu'ils vont tenter de lancer en Tunisie. Ali Sghaier Saïdi, le jeune frère de la victime, qui vit à Genève, est très clair. «La vengeance est un plat qui se mange froid», lâche-t-il après avoir rappelé les nombreuses attaques frontales lancées par son frère contre le président tunisien Ben Ali.

 

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ECLAIRAGE, par Reto Breiter

 

Le président Ben Ali ou la passe de quatre

 

Les présidents qui s'incrustent au pouvoir finissent tôt ou tard par poser problème. L'Afrique regorge de dirigeants, soi-disant providentiels, qui confondent l'intérêt général avec leur propre ambition démesurée. Robert Mugabe, le Zimbabwéen, défie la communauté internationale à la veille d'une présidentielle controversée. Zine el-Abidine Ben Ali, potentat tunisien au pouvoir depuis le 7 novembre 1987, quand il éjecta le président Habib Bourguiba pour cause de sénilité avancée, est de ceux-là. Depuis, la Tunisie émarge régulièrement à la chronique internationale des violations des droits de l'homme. Elle est devenue une des bêtes noires des nombreuses ONG en mission sur le continent noir. Le président Ben Ali n'a pas eu la sagesse de suivre deux précédents exemplaires: feu le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, élu dans la foulée de l'émancipation coloniale en 1960, quitta le pouvoir vingt ans plus tard pour conforter les assises de la démocratie dans son pays. Père de l'indépendance tanzanienne en 1960, Julius Nyerere passa la main en 1990, à l'occasion d'une transition sans heurt, inhabituelle dans ce continent. A l'inverse, Félix Houphouët-Boigny, un des pionniers de la lutte pour l'émancipation en Afrique, décédé en 1993 à l'âge de 88 ans, refusa jusqu'au dernier moment de se retirer en Côte d'Ivoire. Résultat: neuf ans plus tard, son pays autrefois phare de l'Afrique occidentale est en pleine confusion, sur fond de règlements de comptes politiques et ethniques. En Tunisie, le président Ben Ali, 66 ans, achève son troisième mandat de cinq ans. Il en veut un quatrième, mais la Consitution l'en empêche. L'équation se résume donc à un tour de passe-passe politique. La solution est simple: réformer la loi fondamentale par le biais d'un référendum pour lui permettre de briguer un quatrième mandat. Pour faire bonne figure, on conserve un article qui fixe l'âge limite des candidats à la présidence à 70 ans. Résultat: à l'élection de 2004, Ben Ali, 68 ans, sera réélu. Ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, l'opposant et professeur de droit Mohamed Charfi a dénoncé l'année dernière cette dérive présidentielle «à vie», qui constituerait «un malheur» pour le pays.